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La méditation nous libère des conditionnements

Interview de Jean-Gérard Bloch, rhumatologue, instructeur MBSR (réduction du stress basé sur la pleine conscience) responsable du diplôme universitaire « Médecine, méditation et neurosciences », à l’Université de Strasbourg.

De quelle méditation de pleine conscience parlez-vous ?

Celle qui s’applique à l’intervention médicale thérapeutique ou préventive de santé publique. Et qui puise dans une culture très ancienne. Les formes orientales de méditation ont fait irruption en Occident depuis une cinquantaine d’années environ, mais elles ont des siècles d’existence. Dans ces traditions, la méditation correspond à un vrai champ de connaissances qui s’est enrichi au fil du temps. Leur méthodologie est celle de l’exploration, des expériences, d’une validation… Cette démarche proprement scientifique a généré des théories de la nature, du fonctionnement de l’esprit et du corps. La vraie différence entre les approches orientales et occidentales n’est pas la méthodologie mais l’objet de la science. La méditation est une exploration intérieure, une science de l’expérience vécue, un domaine longtemps négligé dans la culture scientifique occidentale.

Comment vous situez-vous par rapport aux systèmes de croyances ? 

Dans les cultures orientales de la méditation, le système de croyance n’est pas premier. Il vient plutôt en second comme une composante en lien avec un champ de connaissances, qui se déploie au travers de ce que nous appelons en Occident « religion ». Nous sommes à la confluence entre différents courants de pensée, différentes épistémologies, mais seules comptent l’expérimentation, la validation ou l’invalidation de nos hypothèses sans référence à un système de croyance. Sur cette base, il y a un véritable enrichissement réciproque, une fertilisation croisée.

Quels sont les premiers résultats ? 

Le premier apport est peut-être le pont que la méditation nous conduit à faire entre l’esprit et le corps. Les aptitudes développées dans la méditation, à partir d’un entraînement accessible à chacun d’entre nous, sont à la fois mentales et physiques. Elles concernent les aspects universels de notre potentiel d’être humain. Et là, il n’y a pas de système de croyance non plus, puisque cela concerne vraiment une commune condition humaine.

Le corps et l’esprit s’influencent réciproquement ?

En fait, cela va beaucoup plus loin. Si on part de l’idée que le corps et l’esprit ne sont pas séparés, ils n’exercent pas une influence réciproque, ils fonctionnent ensemble. Bien sûr, il est extrêmement difficile pour des Occidentaux de sortir de ces schémas de séparation. Toutes les vérités scientifiques en sont imprégnées. En médecine, ils déterminent la façon de considérer le patient ou la maladie. Quand on dit « objectif » et « subjectif », on présuppose que le subjectif est faux et l’objectif vrai ! Alors que la vérité première est subjective, elle vient du sujet. Pour remettre en question l’idée de séparation, il faut partir comme Spinoza ou les phénoménologues autour de l’idée d’une co-émergence, c’est-à-dire d’une entité à partir de laquelle se manifestent l’esprit et le corps.

Comment s’illustre cette non-séparation du corps et de l’esprit ? 

Une des composantes du fonctionnement de l’esprit et du corps qu’on entraîne en premier est la stabilité attentionnelle. Dans le monde moderne, nous sommes devenus de vrais experts de la distraction, à cause des sollicitations extérieures, mais aussi du flot continu de nos pensées, une sorte de bavardage intérieur permanent. Des outils d’imagerie comme l’IRM fonctionnelle ont mis en évidence que cette activité mentale mobilise ce qu’on appelle le « réseau par défaut » de notre cerveau. Or chez Les méditants, même après un programme de seulement deux mois d’entraînement, l’activité très perturbante du réseau par défaut est nettement diminuée. La stabilité attentionnelle, entraînée à se focaliser sur un seul élément, ou de façon ouverte, permet d’avoir plus de clarté mentale, de lucidité sur ce qu’on est en train de vivre. De façon très concrète, elle nous libère de l’influence de nos habitudes, de nos automatismes et de nos conditionnements. Il y a là un espace de liberté qui concerne chaque être humain.

Comment profiter de la méditation en médecine ? 

En médecine, cela s’est beaucoup croisé avec les connaissances sur le stress depuis une trentaine d’années, et la découverte de ses effets importants sur la dépression, l’inflammation ou la douleur.

Les recherches ont crû de façons exponentielles au fil des années pour évaluer, par exemple, l’efficacité de la méditation sur la polyarthrite rhumatoïde, sur la sclérose en plaques, sur les maladies cardiovasculaires, sur l’obésité, sur les troubles gastro-intestinaux, sur le diabète, le cancer du sein et les cancers en général.

Comment pouvons-nous focaliser notre attention sur la douleur 

L’approche de la méditation sur la douleur est au premier abord assez contre-intuitive. Il est proposé au patient de tourner son attention vers la douleur sans chercher à l’occulter ou l’éviter. Il s’agit de déployer une attention douce et bienveillante, ce qui demande effectivement un apprentissage et un entraînement, surtout quand on a très mal ou mal depuis longtemps. Avec la méditation on ne diminue pas la douleur, mais la souffrance liée au vécu émotionnel et à l’interprétation de la douleur. En développant la capacité à ne pas juger, à faire de l’expérience des choses telles qu’elles sont, on réduit les mécanismes d’anticipation qui commencent avant un événement redouté. Les pensées comme : « j’ai déjà eu ça… donc cette fois-ci ça va être la même chose… pourvu que ce ne soit pas le cas… etc. » Le mécanisme protecteur développé par la méditation n’est pas verbal, pensé. Il ne s’agit pas de se dire : « je devrais arrêter de me faire peur ». On ne cherche pas à éviter ce qui est là, ce qui gêne. On cherche au contraire à tourner son attention vers ce qui est vraiment là, alors qu’en général, on est plutôt à distance, en train de vivre avec les idées qu’on se fait à propos de ce qui serait.

On peut dire : j’ai mal, mais ça va. 

Oui !

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