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Mauvais sommeil et dépression : quel est le rapport ?
Les troubles du sommeil – insomnie ou hypersomnie – sont souvent des symptômes de dépression. Et à l’inverse, est-ce que la dépression pourrait avoir pour cause le manque de sommeil ? Est-ce que l’un majore l’autre ?
Mauvais sommeil et dépression : quelle pathologie concernée ?
On entend par dépression « une pathologie dépressive, une perte de l’élan vital », comme le définit Stéphanie Mazza, professeure en neuroscience. Parce qu’en effet, il faut différencier les types de dépressions passagères de celle, chronique :
- la dépression réactionnelle, suite à un deuil par exemple,
- la dépression saisonnière, fortement liée au manque de luminosité en hiver, et à notre besoin d’hiberner. Cette phase est connue pour son impact sur les troubles du sommeil mais qui se résorbe quand le temps s’éclaircie à nouveau au printemps ou avec une cure de luminothérapie
- la dépression chronique, qui s’installe dans le temps. Chez ces dépressifs chroniques, le trouble du sommeil est un symptôme.
Le trouble du sommeil comme symptôme de dépression
Dans le diagnostic d’une dépression, les troubles du sommeil apparaissent comme des symptômes caractéristiques. Une dégradation de ses nuits qui se traduit souvent par :
- des insomnies,
- des endormissements longs,
- des réveils précoces,
- un sommeil non réparateur, moins profond.
Pour expliquer cette relation entre mauvais sommeil et dépression, Stéphanie Mazza prend l’image de l’animal dominant : « Pour dormir, il faut être un prédateur sans souci. Regardez les animaux, les plus gros dormeurs ne sont quasiment que des prédateurs. » En effet, les centres neuronaux qui induisent le sommeil doivent éteindre les systèmes de l’éveil. Or, le bruit, la lumière, l’excitateur physique, l’excitateur mental… Tous ces éléments sont des signaux d’éveil qui sonnent au cerveau de ne pas s’endormir. Raison pour laquelle il faut réduire l’excitation de ces centres de l’éveil avant de pouvoir rejoindre les bras de Morphée. Or dans une dépression, les ruminations nocturnes se mettent en place et maintiennent ces centres de l’éveil actifs. C’est ce qui empêche de trouver le sommeil.
Traitements : Somnifère et dépression, sommeil et antidépresseur
« Chez la personne dépressive qui souffre d’insomnie, la prise de somnifères va pouvoir aider à restaurer pour un temps le sommeil, mais ce traitement doit être accompagné d’une prise en charge de la dépression car les somnifères ne traiteront pas la pathologie à sa racine. », explique Stéphanie Mazza. La prise en charge des symptômes dépressifs permettra en retour de restaurer le fonctionnement normal du sommeil.
Dépression, insomnie – insomnie, dépression : le cercle vicieux
Le lien entre dépression et sommeil est si fort qu’on pourrait se demander si ce pourrait être le manque de sommeil au départ qui provoquerait la dépression. Et si la dépression était un effet du manque de sommeil, qualifiée de maladie liée au sommeil ? Les troubles de l’humeur associés au manque de sommeil chronique peuvent aller jusqu’à ce qu’on appelle un état dépressif. « Des personnes non dépressives qui ont eu une insomnie primaire voient leur risque de dépression augmenter, analyse la professeure en neuroscience. Au départ, la seule pathologie est le sommeil, sans pathologie dépressive, mais cette insomnie peut déclencher une dépression. Et lorsqu’elle se surajoute, la prise en charge se complique. »
Il faut dire que des troubles du sommeil importants altèrent les capacités cognitives, dont l’attention, le raisonnement et la logique. En cause, l’amygdale, une zone du cerveau étudiée par des scientifiques qui jouerait un rôle important dans la régulation de nos émotions et de notre anxiété. Les chercheurs ont découvert que la communication avec cette partie du cerveau était affaiblie chez les personnes privées de sommeil. De fait, ces dernières sont moins en mesure de contrôler leurs émotions et ont réagi plus fortement à des images tristes.
Dépression et sommeil excessif : se réfugier sous la couette
Parmi les dépressifs, certains, se réfugient dans le sommeil. L’allongement anormal du sommeil et l’endormissement dans la journée, soit l’hypersomnie récurrente, sont des troubles du sommeil relevés chez certains dépressifs. Est-ce que, comme pour l’insomnie le trop plein de sommeil pourrait provoquer une dépression ? « Il peut exister une hypersomnie dans le cadre de maladies psychiatriques. Mais parfois, pour certains patients, l’enregistrement de leur temps de sommeil montre qu’ils passent beaucoup de temps au lit mais qu’ils n’ont pas forcément beaucoup d’heures de sommeil au compteur. Il s’agit d’une mauvaise perception de leur sommeil ».
En savoir plus sur les problèmes de sommeil et la dépression
- Vidéo : Les conséquences du manque de sommeil, Stéphanie Mazza
- Centre de référence des hypersomnies rares