Comprendre

Le manque de sommeil, un impact économique négligé
Et si le manque de sommeil nuisait à l’économie ? L’insomnie, un coût pour la sécurité sociale, les employeurs, les employés ? Les conséquences d’un manque de sommeil sont nombreuses, et pourtant, les traitements possibles n’ont jamais été autant négligés. Et si on replaçait le sommeil au cœur de notre hygiène de vie ?
Insomnie et travail, consommation de somnifères : quels coûts !
62 % des Français présenteraient un manque chronique de sommeil. Un chiffre en croissance par rapport aux décennies précédentes. En 70 ans, nous avons perdu 60 nuits par an. Un sacrifice du sommeil qui représente un coût important, pour le pays comme pour les individus. Une étude australienne qui a fait grand bruit lorsqu’elle a été publiée en 2018 a démontré que le manque de sommeil coûterait 100 milliards d’euros par an à un pays comme la France.
Pour arriver à ce chiffre, les scientifiques ont estimé les coûts directs et indirects pour leur pays des conséquences d’un mauvais sommeil, notamment dans le monde professionnel, car la conséquence du manque de sommeil sur le travail est considérable :
- absentéisme,
- arrêt de travail,
- accident du travail,
- reste à charge au patient,
- consommation de somnifères…
Ramener ces analyses australiennes à la France est aléatoire car nous n’avons pas les mêmes régimes sociaux. Reste que ces problèmes de sommeil coûtent très chers, principalement le coût salarial et médicamenteux :
- le coût de l’insomnie par employé est de 77 € par pour l’assurance maladie, 230 € pour l’employeur, et 100 € par an pour l’insomniaque,
- la consommation de médicaments en lien avec les troubles de sommeil : 131 millions de boîtes de benzodiazépines ou autres molécules apparentées en France ont été vendues en 2012.
Une prise en charge des problèmes de sommeil non adéquat
L’épidémie de mauvais sommeil est devenue un enjeu de santé majeur de notre société. Et malheureusement, les solutions pour mieux dormir ne sont pas vraiment convaincantes et peu nombreuses.
« La prise en charge des troubles du sommeil n’est pas adéquate. On ne met pas assez l’accent sur les thérapies cognitivo-comportementales qui marchent contre l’insomnie par exemple. De l’autre côté, le patient ne prend que rarement en considération son trouble en s’inscrivant dans une démarche de traitement, à part en prenant des somnifères. Or, ce traitement ne doit durer que 4 semaines maximum, alors que les prolongations sont fréquentes. »
Maladie liée au sommeil : se soigner représente un coût
Suivre une thérapie comportementale et cognitive de l’insomnie permet de réduire les insomnies en 6 à 8 semaines. Seulement, un problème financier se pose pour le patient, car chaque séance coûte autour de 50 €, entièrement à sa charge. Soit près de 400 € à débourser – quand la mutuelle ne prend en charge aucun remboursement.
Constatant la manne financière que le mieux dormir représente, les lobbys et tout l’univers du business s’est mis en branle, avec de multiples dispositifs high-tech pour améliorer le sommeil, mais le problème selon Stéphanie Mazza, c’est que la plupart ne sont pas validés scientifiquement. A l’heure actuelle, nous ne savons pas si ces dispositifs améliorent objectivement le sommeil.
Objets connectés : les risques à vouloir se soigner à la maison
Les objets connectés et les applis pour analyser son sommeil (souvent gratuites) – qui calculent votre temps de sommeil, la durée de votre sommeil profond – représentent un certain risque. D’après Stéphanie Mazza, certaines personnes finissent pas trop se préoccuper de leur sommeil, cherchent à vouloir trop le contrôler, et développent ce que l’on appelle l’orthosomnie, qui peut se transformer en insomnie.
Les répercussions du manque de sommeil, ça coûte !
Sommeil et système immunitaire sont étroitement liés. La privation chronique du volume du sommeil a un impact sur le cerveau et les apprentissages mais aussi sur l’organisme. En effet, le sommeil booste et façonne les défenses immunitaires. D’après une étude publiée en 2015, « dormir moins de 6 h par nuit multiplie par 4 le risque de tomber malade après une exposition à des virus ». Et ce sont ces petites maladies saisonnières qui vont générer des rendez-vous chez le médecin, des prises de médicaments, etc.
Meilleur sommeil : tout est dans l’éducation dès tout-petit !
La solution pour mieux dormir passe par une connaissance de son sommeil. Or, pour cela, il faut y être éduqué, et ce dès l’enfance. Surtout quand on sait qu’aujourd’hui, les adolescents sont plus de 70 % à dormir moins de 5 h par nuit. Stéphanie Mazza a travaillé avec des enfants sur un programme gratuit d’éducation au sommeil réalisable à l’école de 8 séances, « Mémé TonPyj », afin de leur apprendre en quoi il est important de bien dormir, eux qui pensent souvent que dormir est une perte de temps.
Bien dormir devrait reprendre une place centrale
Dans notre société qui cherche à aller toujours plus vite, on grappille un maximum de minutes de sommeil pour faire ce qu’on n’a pas eu le temps de réaliser dans la journée. La place du sommeil n’est plus la même qu’au siècle dernier. Or, « le sommeil devrait avoir autant d’importance que son alimentation, prévient Stéphanie Mazza. Manger de temps en temps au fast-food pour se faire plaisir, sortir et se coucher tard : ce sont des comportements qui doivent rester exceptionnels. Et comme lorsqu’on a fait des excès alimentaires, il faut mettre en place des mécanismes pour se remettre dans un cadre de sommeil normal ». Et d’ajouter « Nous devons recentrer le bon sommeil au cœur de notre hygiène de vie ! »
En savoir plus sur l’importance du sommeil
- Vidéo : Les conséquences du manque de sommeil, Stéphanie Mazza, professeur de neurosciences à l’Université Lyon 1, spécialiste des relations entre le sommeil et les performances cognitives.
- Vidéo : Le sommeil : l’enjeu le plus critique de notre décennie, Hugo Mercier, TEDxParis
- Vidéo : présentation de Mémé Tonpyj
- À quoi sert le sommeil ? La santé de l’homme, n°388, Inpes
- Réseau Morphée, consacré à la prise en charge des troubles chroniques du sommeil
- Institut national du sommeil et de la vigilance
- Prosom, association nationale de promotion des connaissances sur le sommeil
- Société française de recherche et de médecine du sommeil